Je risque de m'attirer la foudre morale des éclairs conditionnés et simplificateurs les plus tenaces.
 
Dieudonné constitue, selon moi, l'humoriste le plus doué, le plus talentueux de sa génération. Contrairement à ses camarades, il s'est attaqué avec brio à des sujets hautement délicats.
Par provocation maladroite et jusqu'au-boutiste, il devient antisémite aux yeux convenants et désorientés de la société. Tout ceci a commencé parce qu'il a stigmatisé le sionisme, extrémisme juif que nous devrions tous condamner. Suite à ce sketch avorté, provoquant et maladroit, d'une drôlerie toute relative, il a été injustement puni. Cette apparition télévisuelle n'avait d'antisémite que la perception des bienséances médiatiques, politiques, du milieu des requins artistes, et des tendances moralisatrices des gens. Vivant de sa liberté d'expression, il a été traîné dans la boue, méprisé, insulté, censuré, menacé de mort.
 
Dans un premier temps, les garants politiques et judiciaires de notre nation auraient dû s'excuser de l'avoir mis en examen. Le début de son histoire pénale reste à mettre au crédit d'un jugement déloyal et partial attribué à une personnalité dérangeante, dénonçant la bêtise et l’insignifiance de certains âmes puissantes. Les protagonistes influents et les âmes susceptibles de notre nation auraient dû lui laisser sa liberté de parole, plutôt que de la censurer. En effet, en punissant Dieudonné et en interdisant ses spectacles, les institutions judiciaires ont incité la société à le haïr, à le diaboliser. Ainsi, notre trublion n’aurait pas éprouvé un sentiment de rejet puissant à son encontre. Et, pour continuer à exister, il n’aurait pas fait preuve de provocations excessives, têtues et infructueuses. Parce qu’au lieu de s'arrêter, de demander pardon comme la maudite bienséance le demandait, il a renchéri et s'est montré agressif, témoignant son écœurement  et le surréalisme d'une situation qui lui échappait.
 
Cela ne m'a pas empêché pas de me désolidariser de lui, de le condamner lorsqu'il a par la suite mis en avant et encouragé le discours de personnalités négationnistes et haineuses.
En sachant qu’échanger avec des antisémites ou avoir des propos antisémites dans le cadre d'une activité d'humoriste en représentation permanente ne signifie pas être raciste ou intolérant pour autant. Je crois, hélas, que la majeure partie de la population a oublié cette subtilité majeure pourvue d'humanisme.
 
Toute cette affaire s'avère plus complexe qu'elle n'y paraît en surface. En effet, les torts se partagent entre Dieudonné, Dame justice et la vindicte politicienne, médiatique et populaire. Pour arriver à de tels dénouements, pour créer des " monstres ", une société ne peut être que malade, gagnée par la division, par la peur, par le Diktat des opinions et autocentrée sur elle-même.
 
Aujourd’hui, esseulé, banni des médias, Dieudonné s’est renfermé dans un personnage réducteur et clivant. Son humour génial est devenu quelque peu caricatural, perdant en puissance. Son entourage, ses proches et ses amis douteux, négationnistes, réactionnaires et extrémistes ne sont pas étrangers à ce triste basculement. Malgré tout, pour avoir visionné ses derniers sketchs, ses messages d’amour et de paix n’ont pas laissé place à de systématiques pensées haineuses et ses apparitions restent, néanmoins, percutantes et de qualité.