Intéressant de se pencher sur le contexte de société, les forces en présence, les enjeux géopolitiques à la mort de Jean Jaurès, à la veille de la Première guerre mondiale.
L'empire des tsars russes et le gouvernement français se retrouvaient alliés. Leur deal est le suivant : chaque citoyen français peut investir pour les industriels russes afin qu'ils puissent s'acheter du matériel nécessaire à leur production. Et, en échange, l'Empire russe met à disposition des français sa main d’œuvre considérable le cas échéant, que ce soit pour un besoin économique ou guerrier.
En somme, l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand de Habsbourg de la part d'un indépendantiste serbe a perpétré une guerre que la coalition française/russe n'a à aucun moment voulu éviter. L'empire Austro-Hongrois allié avec l'empire Allemand de Bismarck a donc déclaré la guerre à la Serbie, après cette mort tragique. Et comme cette nation était sous la protection de la France et de la Russie, le premier conflit mondial était susceptible de se produire. Suite à cet attentat, les empires Austro-Hongrois et Allemands attendaient une allocution diplomatique sous forme d'excuse de la part des autorités serbes, mais aussi de celles de la France et de la Russie. Mais jamais une telle initiative ne fut abordée. Bien qu'elle aurait sans nul doute mis fin à la tension européenne d'alors, et probablement stoppé l'avènement de cette Première guerre mondiale.
Jean Jaurès a bien essayé d'éviter à tout prix cette guerre. En condamnant la passivité et la volonté de domination européenne des autorités gouvernementales française et russes. Pour lui, ces absences diplomatiques résonnaient comme des fautes politiques et citoyennes. Il a même affirmé qu'il serait prêt à renégocier la souveraineté des régions d'Alsace et Lorraine, alors sous l'autorité de l'empire Allemand, si cela permettait à la France de ne pas déclarer la guerre à son voisin germain.
En fait, Jaurès savait que si une guerre s'engageait, elle prendrait une densité, une ampleur, une puissance meurtrières jamais atteintes par l'homme jusqu'alors. En effet, il se tenait régulièrement au courant des avancées militaires. Et jamais dans l'histoire de l'humanité, les technologies de l'armement n'avaient été aussi développées. Les combats napoléoniens, ou d'hommes à hommes, par des tirs de fusils ou des épées n'étaient plus d'actualité. Ils laissaient place aux obus, aux mitraillettes, aux gaz, aux tirs d'avions, aux chars aussi.
Malgré cette perception juste et visionnaire, Jaurès est alors dénigré et caricaturé dans les journaux, notamment ceux d'extrême droite qui gagnent en importance. Il est décrit comme un homme qui veut négocier avec les « ennemis allemands », comme un homme qui ne croit plus et ne défend plus les intérêts de la France, comme un communiste s'opposant au gouvernement français. Bien entendu, aucune de ces affirmations n'étaient justifiées.
Il fut assassiné par un lecteur isolé, prenant trop au sérieux cette désinformation médiatique et politique. Pris d'une fulgurance meurtrière, il tira à bout portant sur le socialiste, dépositaire d'une manière de discourir et d'un charisme jalousés par de nombreux français.
La Première guerre mondiale n'eut ensuite aucune chance d'être évitée. Jaurès souhaitait publier dans de nombreux journaux européens une tirade à la manière de « J'accuse », de Emile Zola pour dénoncer les autorités françaises et européennes irresponsables approuvant la guerre. Mais Jaurès n'était plus.