Je ne sais quelle est cette voix, peut-être un peu la vôtre, peut-être un peu la mienne, peut-être un peu la nôtre, peut-être celle d'un trottoir, d'un parloir, celle d'un bruit, celle d'un cri, celle d'une colline, celle d'une vallée enfantine, celle qui espère, quand elle se noie.
La simplicité nous semble parfois si difficile à adopter. Puisque nous avons tendance à nous engloutir dans l'impuissance d'une confusion…Que les vents gouvernementaux, les bouillonnements médiatiques, les postures névralgiques, la solidarité sociale d'une nation au devenir tragique, presque comiquement pathétique, savent très bien apprivoiser. Et c'est alors que les convictions, que les idéaux semblent si originaux, si détachés, si inconvenants, si possédés que la situation devient peu à peu irrémédiablement inquiétante.
Depuis quelques jours, les écrans, les papiers, les paroles se tournent vers les fondamentalistes musulmans, cette minorité se servant du Coran, un outil comme un autre, pour mener une guerre suicidaire. Ce groupe armé n'est pas le fruit du hasard. Je pourrai encore vous donner des informations, des données sur le « djihadisme », ses origines, ses contextes d'évolution, son implantation dans les sociétés arabes, et européennes, son organisation, ses objectifs, ses modes, et méthodes de fonctionnements. Mais je l’ai déjà exprimé au sein de mes précédents livres. Des raisons rationnelles, et plus abstraites, incontrôlables poussent des âmes à rejoindre cette cause. Nous devons bien comprendre qu’avant d'être des soi-disant « barbares sanguinaires sans foi ni loi », les islamistes demeurent des êtres humains comme vous et moi. Le sens du terme « djihadiste » que se sont octroyés les terroristes a été détourné par ces derniers. En effet, au sein de l'Islam, le mot « jihâd » consiste à œuvrer de son mieux pour accomplir le bien, en défendant les droits humains, et en luttant contre l'injustice et l'oppression. Mais, contrairement aux médias et aux représentants de nos sociétés, je préfère m'adresser aux 6 milliards d'humains et laisser au repos les cent mille âmes fanatisées qui se manifestent. Au repos d'une attention qu'ils ne méritent guère, d'une attention dont ils sont déjà si fiers. Partout, il peut pleuvoir explosion, tirs, assassinats, suicides. Mais partout aussi, il peut pleuvoir de l'espoir, des attaques de la pensée, et toutes les armées de la terre pourraient former un parapluie si dense, que le djihadisme tomberait dans l'oubli.
Le groupe Anonymous a annoncé qu'il attaquerait les réseaux fondamentalistes virtuels, comme il a attaqué la CIA, et autres organismes mondiaux. Parce qu'il s'attache à pirater tout organisme abusant de son droit de vie et de mort, il acquiesce mon respect. Anonymous détient la grâce de ma plume. Mais tout de même, nuance oblige. Il peut s’avérer bon de détruire, de saccager, uniquement lorsque les raisons sont complètement expliquées, par des mots, diffusées. Cela permet l'éclosion d'une réflexion intime, locale, globale, et surtout de pouvoir reconstruire par la suite. Dans le cas contraire, sur le long terme, cela n'a aucun sens, aucune signification. Quand vous piratez un système de la même manière que ce système casse les gens, vous pouvez facilement faire naître des peurs, des haines, en alertant et alimentant une violence que pourtant vous dénoncez. Les mots ne sont pas à délaisser, ils sont là pour tous nous contraster, et nous permettre de développer une forme de résistance, de résilience, de nous donner cette énergie, de nous élever.
Des questions arborent mes tissus corporels...Ce monde-là prend-il les extrémistes au sérieux ? Ce monde-là se donne-t-il les moyens politiques de les combattre ? Pourquoi le monde pointe-t-il du doigt les méchants terroristes, et essaie de se convaincre que c'est lui le gentil ? Pourquoi n'y aurait-il pas dans ce monde, et au sein des cellules djihadistes, autant de gentils que de méchants ? Et pourquoi le monde adopte-t-il cette voie-là ?
Ces interrogations transparaissent un peu plus depuis ce vendredi sanglant, à Paris/Saint-Denis qui risque de sévir à nouveau. Des âmes instrumentalisées, non pas par une religion, par une cause. Cette dernière m’apparaît incarné par des faits, des contextes historiques, et d'actualité la rendant si vivante, presque naturellement présente. En réponse, il n'est ni drapeau, ni courant politique, ni courant religieux qui vaillent. Il est juste question d'un monument international, où les mosquées, les églises, les synagogues se confondent. Un monument de l'éducation, ou plutôt de la réflexion, de la remise à plat niveau de notre petit monde si grand. Cependant, notre société ne la souhaite peut-être pas, et préfère se morfondre dans ses joies sans trépigner de ses erreurs. Elle, qui oublie si vite les frasques meurtrières qu'elle sème, et a semé. Elle, qui préfère nous diffuser sa réalité, celle qui fait peur, celle du tout de suite, maintenant, celle qui nous attaque directement.
Durant les 150 dernières années et à moindres mesures depuis les années 2000 (car dépassés par russes et chinois), européens, américains ont fait la pluie et le beau temps sur les territoires d'Afrique, du Proche et Moyen-Orient. Nous avons même géré de nombreuses nations orphelines d'identités, et mené une multitude de guerres sur des espaces qui ne nous appartenaient guère. Nous les avons assujettis par cet outil qu'est l'argent, et parfois même leur avons imposés notre culture. Et aujourd'hui, des attentats échouent sur les nations occidentales. Trouvez-vous cela inconcevable ? Si, dans la rue, quelqu'un vous bat à mort, que, par chance, vous respirez encore, et parvenez à le mettre à terre, votre acte est-il dénué de sens ? Au-delà de la bienséance, de notre fierté de toute puissance ? La réponse de haine, de frustration d'une minorité islamiste n'est-elle pas attendue, anticipable ? Ne met-elle pas en exergue des problématiques structurelles, des gouvernances corrompues, répressives, des ingérences de la part des États occidentaux, de nos nations ? Comment peut-on dominer le monde à ce point, en écrasant quand on le peut ceux qui menacent notre hégémonie, nos voisins, sans attiser, alimenter des désespérances, des misères, des velléités guerrières ?
Depuis vingt-ans, le terrorisme islamiste a tué des milliers de personnes au Maghreb, Moyen et Proche-Orient. Depuis quelques temps, l'Europe subit des attentats de plus en plus fréquents. Les peuples arabes restent les premières victimes de ces carnages explosifs. Et nous « déclarons la guerre » ? Des hostilités contre qui ? Contre quarante mille hommes Daeshiens, contre dix mille hommes au Mali ? et quatre-vingts milles sympathisants dans le monde ? Une escarmouche contre la population de l'Andorre en somme ?
Les idéologies du djihadisme ont pris racine depuis plus d’un siècle Les fondations de ce terrorisme fondamentaliste ne se trouvent pas plus en terre orientale, qu'en terre occidentale, qui au fond, ne s'opposent guère. La colonisation, la mondialisation, le modernisme à deux vitesses, l'échec des démocraties arabes (malgré l'espoir qu'elles aboutissent enfin), l'argent de masse, les enjeux géopolitiques, les gouvernements restent les causes de ces malversations presque attendues.
Le djihadisme revisité combine tous ces éléments à la fois qui se lient naturellement dans une complexité historique, spatio-temporelle. Lorsqu'on souhaite s'approprier les premières places mondiales et y rester, on se doit de maintenir un équilibre. Et pour rester au sommet, il faut savoir accepter, et même aménager certains déséquilibres. Alors ne nous étonnons guère que des djihadistes gonflés par la rancœur, garants de cette pénombre revancharde, veulent qu'on les craigne, veulent diffuser une peur aussi grande que leur manque de repères, et leur haine.
Cela ne les excuse en rien, mais demande que l'on puisse tous pardonner notre compagnon de route, ou de déroute. Cet effort, cette réorientation remettraient en cause les fondations même des institutions qui animent nos paysages. Les combats se situent par-là, autour de nos structures, dans nos esprits. Il est là le chantier que nous devons continuer d'amorcer à notre échelle. L'affrontement militaire, numéraire, technologique paraît disproportionné entre les fondamentalistes islamiques et les gouvernements du monde. Ainsi, le simple fait de déclarer une guerre se révèle proprement insignifiant, navrant, et entubant pour vous et moi. En revanche, « déclarer une guerre que l'on entretient » me semble bien plus juste.  N’oublions pas que les trafics d'armes et les devises pétrolières, passant entre les mains djihadistes, représentent une source d'intérêt financier et d'équilibre géopolitique. Cela pousse les États européens, russes, américains, chinois et les puissants lobbys à se montrer très frileux quant à la politique à mener en rapport aux terroristes.
Gagné par l'émoi d'un, et moi ? Je pensais qu’il serait de bon ton que les nations du monde se rassemblent pour investir pas à pas, par les armes, avec stratégies, finesses communes, le Mali, Daesh, et les multiples cellules d'Al Quaïda. Car certaines de leurs âmes, tirées au hasard, subissent les assauts islamistes. Mais je manquais alors de tact, d'intelligence, et de vision, tout simplement. Pourquoi ? Si nous gagnions sur le terrain cette guerre si inégale, à notre avantage en tout point, les groupes islamistes renaîtront de leurs cendres pour reprendre les attentats sur notre sol. Finalement, cela n'aura servi à rien, cela n'aura que confirmer la toute puissance européenne, américaine, leur volonté de contrôler la paix dans le monde. Cela n'aura en rien changé cette histoire navrante, cela l'aura juste approuvée, complimentée, consentie, ovationnée, et nous condamnera, par notre faute, à une guerre sans fin. Parce que si nous arrêtons de bombarder Daesh et les cellules islamistes, si nous ne conduisons aucune attaque au sol, et si nous ne participons ni directement, ni indirectement à ce conflit, nous stopperons les attentats, et l'éclosion de groupes islamistes sur notre territoire. Parce que ce conflit n'est pas le nôtre. Et parce que nous en sommes en partie responsables, nous nous devons de trouver des solutions plus louables, plus nobles, plus probantes. Amenons les débats vers l'action politique. Encourageons les pays arabes, directement concernés, et principaux souffre-douleurs de ces piètres envolées terroristes, à se solidariser pour mettre fin, ensemble, sur leur propre terre, et dans les airs à ces folies outrancières. Parce qu'en travaillant ainsi, nous laisserons ces nations reprendre en main leur histoire, et ce qu'il en reste. Nous leur donnerons l'occasion de se la réapproprier. Nous avons suffisamment fait de dégâts. Et cette mesure ne peut qu'engendrer un dialogue mondial, dans l'espoir que chacun des pays puissent faire sa propre remise en question, sa thérapie et que chacun des citoyens soient en possibilité de regarder les enjeux, les conflits sous plusieurs directions, et non celles qui les arrangent, ou qui leur font peur systématiquement.
Parallèlement, j'oserai même dire secondairement, les mesures sécuritaires intérieures entre gouvernements doivent continuer à être travaillées, appliquées, sans tomber dans l'insécurité, son odeur de terreur, et sans confondre le terrorisme avec les immigrés ou réfugiés. La politique d'immigration ne doit aucunement être influencée par ces attentats.
Une intervention de la sorte, non pas militaire, mais politique et approfondie n'a donc jamais été aussi légitime. Surtout lorsqu'on sait que le terrorisme ne peut que s'amplifier, et s'inscrire dans la durée. Et nous n’occupons pas assez ces niveaux informels, structurels, historiques, politiques. Actuellement, les pays occidentaux se situent dans la réaction militaire. Ils envoient des armes aux kurdes, aux nations résistantes à l’État de Daesh et aux diverses cellules djihadistes présentes en Afrique, Moyen et Proche-Orient. Ils effectuent des frappes aériennes bombardant sporadiquement ces multiples cibles, avec inconsistance, et inutilité.
Nous réagissons en mettant des pansements en réponse aux attaques terroristes, des pansements qui ne structurent point nos fonctions, des pansements qui atténuent l'hémoglobine, et feront couler le sang.
La réalité se trouble, se martyrise elle-même lorsque de « gentilles nations » et ses « gentils citoyens » partent en guerre contre le « grand méchant loup et sa meute de djihadistes inhumains ». Ces appellations arrangent si bien les êtres aux puissants moyens et dénigrent notre intelligence d'un vent si malsain. Que faisons-nous ? Dernièrement, nous nous sommes contentés, comme de nombreux pays européens, de soutenir les américains en Irak, dans un conflit non légitime. Nous avons investi la Libye, et bombardé la Syrie. Ces interventions absurdes ont surtout servi à réalimenter la haine des fondamentalistes, à juste titre d'ailleurs. Et les autorités s'étonnent que des attentats frappent le sol gaulois, européen ? Les politiciens ne sont donc pas en mesure d'anticiper les conséquences de leurs actes, de représenter l'intérêt de leurs citoyens ? Ils ont donc le droit de pas assumer leurs décisions ? De s'attendrir avant tout sur leurs intérêts financiers et la place qu'ils occupent dans ce monde ? Ceux pour qui l'on vote, tous ces partis, partisans orphelins d'idéaux, demeurent si éloignés des réalités qu'ils ne perçoivent plus que leurs propres petits plans de carrière, sous fond de peur, de promesses, au détriment du peuple ? Oui, le conflit engagé par les terroristes pose d'abord des questions structurelles de part et d'autre de la Méditerranée, de part et d'autre de l'Atlantique.
Vous, et moi, nos représentants politiques, les personnalités médiatiques se doivent de prendre ces considérations en compte, et entamer un dialogue, des prises de conscience à l'échelle nationale, européenne, internationale, au sein même des pays arabes. Un appel aux consciences ? Une utopie ? Peut-être, mais dans tous les cas, une nécessité, dans tous les cas, un jour il faut bien que les cris de convictions se révèlent, qu'ils se manifestent à nouveau, et que les visions à long terme et leurs applications soient les piliers d'un avenir véritablement construit. Nous devons laisser cette guerre aux nations qui subissent quotidiennement Daesh, la loi des cellules fondamentalistes et nous concentrer sur la mise en commun de mesures dans le but de détecter d'éventuelles tentatives d'attentats sur nos territoires.
C'est pourquoi nous devons enhardir, galvaniser, pousser les peuples arabes, et leurs croyants, non croyants, à combattre cette minorité qui néglige leur existence, celle qui leur impose une histoire sans les consulter, celle qui les indispose à vivre dans la diversité, dans le respect de leurs droits. Celle qui oppose les deux courants religieux majoritaires de l'Islam, les sunnites, et les chiites, et les contraint à s'affronter indéfiniment. Car si les nations coalisées du reste du monde déclarent la guerre, cela provoquera d'autres guerres, et presque un conflit sans fin. Les extrémistes islamiques se réincarneront sans cesse, sous d'autres formes, sous d'autres noms, puisque le fonctionnement du monde n'aura pas changé et nourrira d'incessants combats meurtriers. Les islamistes commettent et commettront ces carnages collectifs. Mais la première incrimination au tribunal des flagrants supplices s’appelle l'Histoire, que nous continuons d'infliger aux autres, que nous avons bâtie, et dont nous n'avons pas voulu apercevoir, assumer les dérives. Cette donnée ne nous exempt guère d'un réquisitoire mérité. Bien au contraire. Le chevalier sans peur et sans reproches en quête de pouvoir, que nous avons longtemps incarné, a épuisé son cheval de bataille, en semant de nombreux dommages collatéraux. Ainsi, en usant de provocation, quelques centaines de morts par an, en territoires occidentaux, paraissent même très relatifs au regard des courants évènements mortifères sévissant en Afrique, du Proche et du Moyen-Orient.
Alors, pleurer pour les assassinés, oui.
Déplorer les actes terroristes, assurément.
Ecrire ces mots fièrement, je vous le souhaite aussi.
Mais se réfugier derrière le drapeau français oubliant massivement ces mosaïques à responsabilités plurielles, je trouve cela triste, pauvre, et profondément nuisible.
Je ne souhaite pas participer à ce déni collectif, entamé sous le coup d’une émotion exempte d’éveil et d’incitation à des palabres loyales, des confidences, des pardons, des restructurations fondamentales. Cette émotivité dessine une vision restreinte d'un contexte que nous n'appréhendons qu'à travers nos propres morts et blessés, sans véritablement s'attendrir sur les hémorragies étrangères, internationales. En somme, l'égoïsme des nations, des terroristes ne pourra que basculer vers une terreur sans cesse aux aguets.
Que des palabres, que des écrits plus longs pourraient être plus parlants…Que votre imagination et vos réflexions pourraient-elles-aussi faire parler plus facilement que vous ne le pensez.