Une partie extraite de mon livre " SOS Éveil ".


Je ne sais quelle est cette voix, peut-être un peu la vôtre, peut-être un peu la mienne, peut-être un peu la nôtre, peut-être celle d'un trottoir, d'un parloir, celle d'un bruit, celle d'un cri, celle d'une colline, celle d'une vallée enfantine, celle qui espère, quand elle se noie.  La simplicité nous semble parfois si difficile à adopter. Puisque nous avons tendance à nous engloutir dans l'impuissance d'une confusion…Que les vents gouvernementaux, les bouillonnements médiatiques, les postures névralgiques, la solidarité sociale d'une nation au devenir tragique, presque comiquement pathétique, savent très bien apprivoiser. Et c'est alors que les convictions, que les idéaux semblent si originaux, si détachés, si inconvenants, si possédés que la situation devient peu à peu irrémédiablement inquiétante.
 
Dans son ouvrage « Soumission », Michel Houellebecq, romancier reconnu, annonce l’arrivée au pouvoir, en France, d’un islamisme obscurantiste. Une perspective fictive que l’auteur justifie par l’augmentation de la population dans les pays majoritairement musulmans bien plus frappante que dans les pays occidentaux, facilitée par un taux de natalité élevé et malgré une espérance de vie plus limitée. Cette destinée répond surtout à la peur ambiante d’un djihadisme explosif menaçant chaque région du monde dont la Patrie des droits de l’homme et aux migrations arabes dans l’Hexagone. C’est, selon moi, l’émanation d’une appréhension collective que l’écrivain pose sur papier. Ceux qui voient en ce fantasme une vision prophétique m’amusent et, en même temps, me font peine.
 
De mon côté, je pourrais imaginer un tel scénario, mais pour d’autres facteurs. Pour des raisons historiques et vengeresses. Les nations arabo-musulmanes du nord de l’Afrique, du Moyen et Proche-Orient ont subi des colonisations financières et culturelles de la part des pays anglo-saxons et latins du vieux continent, et des États-Unis. Elles ont aussi été absorbées par la modernisation industrielle et technologique du monde au XIXème siècle et continuent à l’être aujourd’hui. De plus, elles ne sont pas parvenues à instaurer de démocraties sur leur territoire. Pire encore, les puissances européennes et états-uniennes cherchent à leur imposer le système bien-aimé de leur civilisation émérite et interviennent régulièrement pour remplacer leurs régimes dictatoriaux par des républiques prooccidentales, libérales. Ainsi, en s’engageant, en s’immisçant avec ingérence dans des conflits en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient, dans des zones à majorité musulmane, les occidentaux amorcent un chaos qui profite au terrorisme islamiste. D’ailleurs, leurs actes révèlent une posture néocolonialiste qui consiste à défendre leurs intérêts et à piller les richesses. Ainsi, les multinationales étrangères ont plaisir à exploiter les matières premières des pays concernés. Nous avons pu le constater récemment en Irak, Libye et Syrie. La plupart du temps, ces actions agressives plongent ces pays orientaux dans des troubles, des instabilités, des pertes de repères bien plus prononcés que lorsqu’ils vivaient sous leurs anciens régimes. Dans ces circonstances, il me semblerait presque naturel que les pays du Maghreb et d’Orient éprouvent le souhait d’imposer à leur tour une colonisation financière et culturelle aux contrées ayant contribué à les désorienter, les appauvrir, les contrôler. Cela donne aussi une raison d’être tangibles au djihadisme et à sa haine. Alors que des extrémistes musulmans édictent à la France un islamisme radical, cela m’accablerait, mais ne me choquerait guère. Je considérerais cette éventualité comme un juste retour de bâton et je dirais qu’on récolte parfois ce que l’on dissémine ou ce que l’on a semé. Je sais que ce dessein futuriste dérange puisqu’il nécessite une autocritique, une remise en question que nous ne souhaitons pas globalement mettre en lumière. Nous dénonçons, anticipons, combattons les actes sanglants des extrémistes islamiques et faisons allusion à la nausée effrayante, répulsive qu’ils nous inspirent en oubliant de nous intéresser aux motifs de leurs existences. De ce fait, le traitement que nous réservons à la problématique djihadiste me semble bien inégal, orphelin, amnésique de faits historiques, de logiques sociologiques.
 
Mais, si vous le voulez bien, revenons à des enchevêtrements qui me semblent bien plus réalistes. Même si j’accepte cette situation qui peut s’expliquer et qui risque de s’inscrire dans la durée, les attentats s’avèrent injustifiables. J’espère que les services de renseignements, en France et dans le monde, en déjoueront le plus possible. Malgré tout, il ne faut pas oublier que compte tenu du nombre de victimes, les nations occidentales n’ont quasiment pas été impactées et restent, par ailleurs, privilégiées. En effet, les populations musulmanes pacifistes sont les premières à succomber au terrorisme islamique en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient. Ces régions alternent souvent pauvreté et manque de moyens dans leurs conditions de vie. Un contexte dramatique lorsque l’on constate qu’au Moyen Âge européen, entre le Vème et le XVème siècle après Jésus-Christ, les pays arabes ont connu une prospérité éclatante due à leur rayonnement médical, artisanal, religieux, commercial, inventif et créatif. Il faut également préciser que certaines populations de confession musulmane, au cours de leur histoire, se sont, elles aussi, imposées en colonisant les peuples de diverses contrées. Quand bien même, si des musulmans de plus en plus nombreux s’établissaient en France durant les prochaines décennies, je ne vois pas où se situe le problème puisque la majorité d’entre eux ne se révèle pas intégriste. D’ailleurs, la religion islamique et ses croyants nous donnent une leçon d’anti-matérialisme. Ils témoignent que la rentabilité, la productivité annihilent souvent les fondements humains et sociaux de notre labeur. Acheter l’iPhone ou le moyen de transport dernier cri, s’habiller aux prix exorbitants des marques vestimentaires les plus cotées ne procure pas forcément de bonheur intérieur. Certains musulmans peuvent posséder une spiritualité puissante avec des valeurs, une éthique, une exigence morale, une dignité, une vertu. Ces gens revendiquent par conséquent un sens de l’honneur et nous rappellent que nous l’avons en partie perdu. Peut-être pourront-ils nous aider à le retrouver et à nous sentir mieux s’ils migrent vers la France… Et, contrairement aux postures caricaturales prônées par l’extrême droite et gauche françaises, je ne considère les êtres de confession islamique ni comme des envahisseurs ni des victimes. La vérité m’apparaît moins grossière, plus subtile et plus complexe que ces deux appréciations.
 
Le sens du terme « djihadiste » que se sont octroyés les terroristes a été détourné par ces derniers. En effet, au sein de l'Islam, le mot « jihâd » consiste à œuvrer de son mieux pour accomplir le bien, en défendant les droits humains, et en luttant contre l'injustice et l'oppression. Mais, contrairement aux médias et aux représentants de nos sociétés, je préfère m'adresser aux 6 milliards d'humains et laisser au repos les cent mille âmes fanatisées qui se manifestent. Au repos d'une attention qu'ils ne méritent guère, d'une attention dont ils sont déjà si fiers. Partout, il peut pleuvoir explosion, tirs, assassinats, suicides. Mais partout aussi, il peut pleuvoir de l'espoir, des attaques de la pensée, et toutes les armées de la terre pourraient former un parapluie si dense, que le djihadisme tomberait dans l'oubli. Le groupe Anonymous a annoncé qu'il attaquerait les réseaux fondamentalistes virtuels, comme il a attaqué la CIA, et autres organismes mondiaux. Parce qu'il s'attache à pirater tout organisme abusant de son droit de vie et de mort, il acquiesce mon respect. Anonymous détient la grâce de ma plume. Mais tout de même, nuance oblige. Il peut s’avérer bon de détruire, de saccager, uniquement lorsque les raisons sont complètement expliquées, par des mots, diffusées. Cela permet l'éclosion d'une réflexion intime, locale, globale, et surtout de pouvoir reconstruire par la suite. Dans le cas contraire, sur le long terme, cela n'a aucun sens, aucune signification. Quand vous piratez un système de la même manière que ce système casse les gens, vous pouvez facilement faire naître des peurs, des haines, en alertant et alimentant une violence que pourtant vous dénoncez. Les mots ne sont pas à délaisser, ils sont là pour tous nous contraster, et nous permettre de développer une forme de résistance, de résilience, de nous donner cette énergie, de nous élever.
 
Des questions arborent mes tissus corporels...Ce monde-là prend-il les extrémistes au sérieux ? Ce monde-là se donne-t-il les moyens politiques de les combattre ? Pourquoi le monde pointe-t-il du doigt les méchants terroristes, et essaie de se convaincre que c'est lui le gentil ? Pourquoi n'y aurait-il pas dans ce monde, et au sein des cellules djihadistes, autant de gentils que de méchants ? Et pourquoi le monde adopte-t-il cette voie-là ?
Ces interrogations transparaissent un peu plus depuis ce vendredi sanglant, à Paris/Saint-Denis qui risque de sévir à nouveau. Des âmes instrumentalisées, non pas par une religion, par une cause. Cette dernière m’apparaît incarné par des faits, des contextes historiques, et d'actualité la rendant si vivante, presque naturellement présente. En réponse, il n'est ni drapeau, ni courant politique, ni courant religieux qui vaillent. Il est juste question d'un monument international, où les mosquées, les églises, les synagogues se confondent. Un monument de l'éducation, ou plutôt de la réflexion, de la remise à plat niveau de notre petit monde si grand. Cependant, notre société ne la souhaite peut-être pas, et préfère se morfondre dans ses joies sans trépigner de ses erreurs. Elle, qui oublie si vite les frasques meurtrières qu'elle sème, et a semé. Elle, qui préfère nous diffuser sa réalité, celle qui fait peur, celle du tout de suite, maintenant, celle qui nous attaque directement.
 
Actuellement, la plupart des nations musulmanes sont gouvernées par des dictatures religieuses, militaires, parfois laïques. Ces modèles nous semblent archaïques, dépassés, notamment en ce qui concerne la condition féminine. Mais lorsqu’on s’attendrit sur la situation des femmes en France, on constate, il y a un peu plus d’un demi-siècle, qu’elles étaient, elles aussi, défavorisées, malmenées et que leurs droits restaient très limités. Elles n’étaient pas du tout considérées par la gent masculine. Il aura fallu un contexte démocratique propice, couplé à l’évolution des mœurs et à l’émergence de nombreux combats pour améliorer leur situation et faire avancer l’égalité entre les deux sexes. Les nations à majorité musulmane ne demeurent pas les seules forces en présence. Certaines nations européennes, les États-Unis, et plus récemment la Russie et la Chine dévoilent les cartes de leur jeu. En effet, ces contrées parviennent à étendre leur zone d’influence en quadrillant technologiquement, énergétiquement et financièrement ces régimes dictatoriaux, dans le but de maintenir leurs intérêts géopolitiques.
 
Ne nous étonnons guère que des djihadistes gonflés par la rancœur, garants de cette pénombre revancharde, veulent qu'on les craigne, veulent diffuser une peur aussi grande que leur manque de repères, et leur haine. Cela ne les excuse en rien, mais demande que l'on puisse tous pardonner notre compagnon de route, ou de déroute. Cet effort, cette réorientation remettraient en cause les fondations même des institutions qui animent nos paysages. Les combats se situent par-là, autour de nos structures, dans nos esprits. Il est là le chantier que nous devons continuer d'amorcer à notre échelle. L'affrontement militaire, numéraire, technologique paraît disproportionné entre les fondamentalistes islamiques et les gouvernements du monde. Ainsi, le simple fait de déclarer une guerre se révèle proprement insignifiant, navrant, et entubant pour vous et moi. En revanche, « déclarer une guerre que l'on entretient » me semble bien plus juste.  N’oublions pas que les trafics d'armes et les devises pétrolières, passant entre les mains djihadistes, représentent une source d'intérêt financier et d'équilibre géopolitique. Cela pousse les États européens, russes, américains, chinois et les puissants lobbys à se montrer très frileux quant à la politique à mener en rapport aux terroristes.
 
Par conséquent, les couteaux djihadistes n’ont guère les moyens d’imposer à la France un quelconque gouvernement extrémiste, mais seulement de commettre des attentats ciblés. Parce que les nations occidentales ont la possibilité technocratique et la technicité pour gérer, pour mater, pour exterminer les cellules de Daesh et islamistes restantes. En revanche, le pouvoir de l’argent, la couleur des intérêts qu’il dessert me paraissent source d’épouvante et de frayeur. Et je serais atterré si des élites diplomatiques, intellectuelles, financières cherchaient à guider les peuples en faisant usage d’une politique aristocratique ultralibérale ou nationaliste. Ces doctrines populistes se révèlent créatrices de déflagrations, de déchirements populaires.
Une vision justifiée, car elle se déroule en ce moment même sous nos yeux et s’empare du pays des Lumières et de toutes les grandes puissances mondiales : États-Unis, Chine, Russie, Brésil et Europe en tête. La redoutable prophétie qui doit nous envahir de crainte, c’est bien celle-ci. Celle qui retournerait les ethnies, les religions les unes contre les autres, qui développerait favoritisme, passe-droit, injustices sociales, inégalités à tous les étages, et privilégierait la rentabilité financière au grand dam de la condition et des aspirations humaines. Car de ces éruptions effusives surgissent des laves de frustrations et d’extrémismes en tout genre.
 
Amenons les débats vers l'action politique. Encourageons les pays arabes, directement concernés, et principaux souffre-douleurs de ces piètres envolées terroristes, à se solidariser pour mettre fin, ensemble, sur leur propre terre, et dans les airs à ces folies outrancières. Parce qu'en travaillant ainsi, nous laisserons ces nations reprendre en main leur histoire, et ce qu'il en reste. Nous leur donnerons l'occasion de se la réapproprier. Nous avons suffisamment fait de dégâts. Et cette mesure ne peut qu'engendrer un dialogue mondial, dans l'espoir que chacun des pays puissent faire sa propre remise en question, sa thérapie et que chacun des citoyens soient en possibilité de regarder les enjeux, les conflits sous plusieurs directions, et non celles qui les arrangent, ou qui leur font peur systématiquement.
Parallèlement, j'oserai même dire secondairement, les mesures sécuritaires intérieures entre gouvernements doivent continuer à être travaillées, appliquées, sans tomber dans l'insécurité, son odeur de terreur, et sans confondre le terrorisme avec les immigrés ou réfugiés. La politique d'immigration ne doit aucunement être influencée par ces attentats.
 

« Petit terroriste, je te ferai des bisous avant que tu me démontes le crâne parce que je t’aime autant que les autres et même plus que les autres parce que tu en as trop besoin. Des câlins et de l’espoir pour stopper l’engrenage, je t’offrirai humus et chocolat aux noisettes pour adoucir tes cent vingt-cinq mœurs. On écoutera de la musique et tout ira mieux parce que c’est tout ce que tu mérites. Pas la mort, non pas la mort, de l’amour encore et encore, à perpétuité, jusqu’à ce que ton cœur plein d’enfer prenne la forme d’une fraise des bois, toute sucrée, toute dorée. Je te ferai des baisers pour te faire oublier que tu te détestes, et pour te rappeler que tu n’es pas plus dangereux qu’un chien enragé. La rage, ça se soigne, et comme la haine, ça se pense, ça se panse, ça s’en va. Allez, viens, mon ami, ouvre grand tes doigts, lance ta bombe dans les airs et serre-moi dans tes bras ! », 
Texte écrit par Elia Melis